Il est possible de saisir le juge administratif, sans aucune décision préalable, lorsqu'est en cause une personne morale de droit privée chargée de la gestion d’un service public à caractère industriel et commercial.
CE, avis, 27 avril 2021, n°448467
Dans son avis rendu le 27 avril 2021, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser que les dispositions résultant de l’article R.421-1 du Code de justice administrative qui imposent l’existence d’une décision préalable avant toute saisine du juge administratif ne trouvent pas à s’appliquer aux personnes morales de droit privé lorsque ces dernières ne répondent pas, dans le délai de deux mois, aux demandes qui leurs sont formulées.
La difficulté résultait du fait qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit aujourd’hui les effets du silence gardé par une personne morale de droit privé gérant un service public à caractère industriel et commercial.
Sur ce point en effet, la règle selon laquelle le silence vaut décision d’acceptation[1] ou de rejet[2] résulte des dispositions du Code des relations entre le public et l’administration, lesquelles ne sont applicables qu’à l’administration, c’est-à-dire les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale[3].
Ainsi, en l’absence de réponse apportée par une personne morale de droit privé chargée de la gestion d’un service public industriel et commercial et face à l’impossibilité pour ces dernières de faire naitre de leur silence une décision implicite de rejet ou d’acceptation, la question se posait de savoir si la saisine du juge administratif était possible au regard la règle de la décision préalable imposée par l’article R.421-1 du Code de justice administrative.
Dans son avis du 27 avril 2021, le Conseil d’État a considéré que malgré l’absence de décision préalable, la saisine du juge administratif était recevable :
« En l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ».
Il en déduit que « le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas applicable à un recours, relatif à une créance née de travaux publics, dirigé contre une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif » et ajoute qu’ « il ne peut être opposé à l'auteur d'un tel recours aucun délai au-delà duquel il ne pourrait, devant la juridiction de première instance, régulariser sa requête au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ou formuler des conclusions présentant le caractère d'une demande nouvelle car reposant sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa requête ».
Bien que la question intéressait en l’espèce les recours relatifs à une créance en matière de travaux publics, la solution apportée est tout à fait transposable à toutes les demandes tendant au paiement d’une somme d’argent dans la mesure où la saisine du juge administratif n'impliquerait pas que soit annulée également une décision administrative.
Enfin, il y a fort à parier que cette solution soit également transposable au silence gardé par les établissements publics à caractère industriel et commercial, lesquels ne sont pas non plus concernés par les dispositions résultant du Code des relations entre le public et l’administration (voir en ce sens, CE, 12 mars 2003, req. n°237613).
Opmerkingen