Par jugement du 14 juin 2022, le pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille a fait droit à la demande d'annulation d'indu de prestations familiales d'une valeur de 9000 euros dont le remboursement était demandé à la cliente.
La Caisse des Allocations familiales des Bouches du Rhône (ci-après CAF) avait réclamé à la cliente le remboursement de la somme de 9000 euros correspondant au trop perçu de prestations familiales versées sur la période du 1er mars 2017 au 31 mai 2018 au motif que ses enfants résidaient chez leur père durant cette période.
La CAF avait entamé les procédures en recouvrement de ces sommes. Le cabinet a donc exercé une action en opposition à contrainte ainsi qu'une action au fond.
Sur le fond, la cliente, qui avait conservé le bénéfice des prestations familiales, se prévalait de son jugement de divorce qui n'avait fait qu'entériner l'accord des parents sur le bénéficiaire de ces prestations.
La CAF, de son côté, après avoir rappelé que l'indu concerne des prestations familiales de natures différentes, à savoir les allocations de ressources, le complément familial et l'allocation de rentrée scolaire, faisait valoir que la notion de partage de charge des enfants ne peut être étendue des allocations familiales (art. L.521-2, R.521-2, R.521-3 et R.521-4) aux prestations familiales de sorte que le juge aux affaires familiales dans le jugement de divorce aurait outrepassé sa compétence dans la mesure où il ne lui appartenait pas de décider au bénéfice de quel parent devait être attribué le droit aux prestations familiales par une caisse d'allocations familiales. Elle ajoutait que le mode de partage des prestations ne peut perdurer lorsque les modalités de résidence du ou des enfants changent, ce qui était le cas en l'espèce. Elle se référait en ce sens à l'avis rendu par la Cour de cassation le 26 juin 2006 et l'arrêt de la 2ème chambre civile du 9 avril 2009.
Le Tribunal judiciaire de Marseille a validé l'argumentation du cabinet et fait droits à la demande d'annulation d'indu de la cliente.
Il a en effet considéré "qu'en cas de divorce ou séparation, et pour tenir compte des particularités de la garde alternée des enfants, une exception au principe de l'unité a été créés pour les seules allocations familiales qui peuvent se partager. Pour les prestations familiales autres que les allocations familiales (autrement dit pour la prestation d'accueil du jeune enfant, le complément familial, l'allocation de logement, l'allocation d'adulte handicapé, l'allocation de soutien familial, l'allocation de rentrée scolaire et l'allocation journalière de présence parentale), la règle de l'unicité de l'allocataire demeure applicable malgré la résidence alternée de l'enfant. Mais sans que les textes le prévoient expressément [...] il est toutefois généralement admis que les parents puissent, en cas de séparation de fait ou de divorce, désigner d'un commun accord l'un d'entre eux en qualité d'allocataire".
Deux précisions s'imposent cependant quand au champ d'application de cet accord :
- d'une part, temporellement, l'option ne peut être remise en cause par le parent non-allocataire qu'au bout d'un an, sauf changement de situation comme une "modification des modalités de résidence du ou des enfants"
- d'autre part, matériellement, les parents peuvent, d'un commun accord, ou bien désigner celui qui sera allocataire unique pour toutes les prestations familiales ou bien opter pour le partage des allocations familiales et désigner un allocataire unique pour les autres prestations familiales.
Or le jugement de divorce des requérants indiquait " les parties conviennent qu'il ne sera plus dû de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants par Monsieur X compte tenu de la résidence habituelle de l'enfant 1 à son domicile et de la garde alternée de l'enfant 2. Monsieur X conservera cependant la charge des frais de scolarité et Madame Z bénéficiera des aides sociales et familiales liées aux enfants. Les autres frais relatifs à l'éducation et à. l'entretien des enfants seront pris en charge par moitié par chacun des parents".
Le tribunal conclut ainsi que s'il est certain qu'il n'appartient pas au juge aux affaires familiales de décider au bénéfice de quel parent doit être attribué le droit aux prestations familiales, cette compétence relevant du pôle social, les motifs du jugement de divorce de la requérante permettent de vérifier que ce magistrat n'a fait qu'entériner l'accord des parents sur ce point.
Dès lors, malgré la fixation de la résidence de l'enfant 1 chez son père et la résidence de l'enfant 2 chez chacun de ses parents de manière alternée, ces derniers, ainsi que l'article R.513-1 al.2 du Code de la sécurité sociale leur en donnent la possibilité, ont manifesté leur souhait que la mère conserve le bénéfice des "aides sociales et familiales", ce qui s'entend des prestations familiales.
Par conséquent, la notification de l'indu correspondant à la régularisation des droits de Madame Z effectué par la CAF pour la période en cause doit être annulé.
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