Le client était propriétaire d’un appartement au cœur d’un port de plaisance et bénéficiait dans le même temps d’un contrat d’occupation du plan d’eau lui permettant d’amarrer un bateau au droit de sa propriété.
Ne souhaitant plus naviguer, celui-ci avait informé la régie de son intention de résilier ce contrat. Celle-ci a implicitement refusé de faire droit à sa demande et a continué à émettre des titres exécutoires à son encontre au titre de la redevance d’occupation du domaine public prévu par le contrat. C’est donc en contestation de l’émission de ces titres que le propriétaire s’est pourvu devant le Tribunal administratif. En cours d’instance, celui-ci constatait également qu’un nouveau bateau était amarré en lieu et place de son ancien navire et demandait l’expulsion de celui-ci.
Classique en apparence, cette affaire aurait dû amener le juge administratif à rappeler que la résiliation des contrats d’occupation du domaine public ne saurait être faite à l’initiative de l’occupant et que l’autorité administrative propriétaire demeure libre d’en choisir les occupants.
Pourtant, cette affaire revêtait une spécificité tenant à l’historique de création de ce port de plaisance et de la passation du contrat d’occupation du plan d’eau litigieux.
En effet, dans les années 1960, le gouvernement avait décidé de lancer un vaste projet d’urbanisation touristique dans certaines régions de France.
Afin de pallier à l’insuffisance de fonds nécessaires à la réalisation des travaux publics pour la création de ports de plaisance, il a été décidé de mettre à contribution les investisseurs privés.
C’est ainsi que des amodiations de longue durée ont été accordées aux particuliers ayant participé au financement des installations du Port de plaisance, via l’achat des immeubles des marinas.
L’achat d’un immeuble au sein de la marina était d’ailleurs conditionné par la signature d’une convention d’occupation du plan d’eau attenant et faisant partie intégrale du domaine public maritime.
Dès le début du projet de développement du Port en question, il existait donc une interdépendance entre le droit de propriété privé et le bénéfice d’un droit exclusif d’amarrage d’une embarcation sur le plan d’eau appartenant au domaine public maritime.
La situation est devenue particulièrement précaire à l’échéance des contrats d’amodiation dans la mesure où leur reconduction n’était pas de droit pour les propriétaires des marinas.
Ces derniers ont néanmoins réussi à obtenir un renouvellement de leurs contrats pour les 35 années à venir sur le fondement de l’article R.5314-31 du Code des transports.
Dans le cas de notre affaire, la situation inverse était rencontrée dans la mesure où la personne a souhaité non pas reconduire mais résilier le contrat initial avant son terme.
Dans la décision partiellement favorable obtenue par le cabinet, la Cour administrative d’appel de Toulouse a reconnu qu’il « est constant que la marina et la parcelle du quai sur laquelle Monsieur X a installé les bollards lui appartiennent et que le plan d’eau fait partie du domaine public portuaire. [Que pour autant, la régie] ne démontre pas qu’il serait possible d’amarrer [un navire sans avoir à utiliser les quais appartenant au domaine privé de l’intéressé] ».
Par conséquent, la Cour administrative d’appel en déduit que cette occupation du domaine public porte atteinte à la libre jouissance du droit de propriété de l’intéressé et que par suite, celui-ci est fondé à demander à ce qu’il soit mis fin à l’atteinte irrégulière portée à sa propriété privée.
Cette décision inévitable de la Cour administrative d’appel met en exergue la fragilité du montage contractuel initié en 1960. Il y a fort à parier que si tous les propriétaires des marinas s’engouffraient dans cette brèche, c’est l’édifice tout entier qui s’effondrerait, à charge pour l’administration de développer un projet lui permettant d’amarrer ses navires sans avoir à utiliser les quais appartenant aux propriétaires privés…
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